J’ai croisé Salfé, il y a longtemps, pendant les grèves de 2019. C’était quand on restait chez soi ou qu’on sortait car on devait défendre nos acquis sociaux, depuis il y a eu le Covid…
Hello, d’où viens-tu?
Je viens de la banlieue Parisienne de base mais j’ai vécu dans plusieurs pays aux quatre coins du monde. Majoritairement en Asie mais aussi en Océanie ayant beaucoup de relations la bas.
Quel âge as tu?
Dans ma vingtaine, plus précisément l’âge ou tu te disais que ça serait la fin mais au final tu te rends compte que ce n’est que le début.
Que poses-tu? Qu’est-ce que cela signifie?
Salfe pour le jeu de mot entre le « sale fait » et « ça le fait »
Depuis quand peins-tu?
Oula, depuis mon adolescence mais j’ai eu beaucoup d’années d’inactivité entre les passages ou je préférais me mettre cher et les fois je vivais dans des pays où il y a absolument aucune scène graffiti, ni train, ni graffshop comme par exemple au Cambodge ou la ou j’étais en Chine voir même en Nouvelle Zélande ou la gare centrale à que 2 quais par exemple.
Dessinais-tu avant de taguer ?
Pas du tout, je suis dans le milieu pour le côté sport extrême, voyage et le développement personnel.
Comment as-tu commencé?
Un gars de ma classe qui m’emmenait dans ses sessions rues quand on séchait les cours puis au fur et à mesure je suis rentré dans le délire comme beaucoup je pense.
Pourquoi choisir de taguer?
Avant tout pour l’ambiance du milieu, rencontrer des personnes dans le monde entier, apprendre des techniques pour la gruge et te dépasser mentalement et physiquement.
Quelles sont tes inspirations?
Niveau style ça se passe à Paris : Mank, Vices, Ace, Tisko, Meyso, Keag, Sore… Niveau on lâche rien malgré la prison et les aléas de la vie il y a TIBAK, les RCLS et les MULS. Les gars font que des allers retours en prison et vivent dans des pays avec un salaire moyen de 500 euros (bon sauf les MULS) mais ils se sortent les doigts du cul pour pouvoir faire un maximum de voyage et un maximum de systèmes de métro et ça c’est magnifique.
Que cherches-tu quand tu fais des lettres?
À pouvoir les faire le plus vite possible
Comment définirais-tu ton style?
Trainiste avec de l’ignorant et du sale mais ça dépend de mon état d’ébriété.
Quels sont tes supports de prédilections?
Le métro à 100% mais ça m’arrive de faire des tags en sortant de soirée avec les potos et c’est là que ça fini en GAV généralement.
Voyages-tu beaucoup pour peindre?
Je voyage toujours énormément mais ça varie des années, là en 2019 par exemple j’ai passé presque autant de temps à Paris qu’à l’étranger. Cette année je me suis concentré sur les systèmes post soviétiques mais j’ai aussi fait quelque systems européens comme Bruxelles, Rotterdam, Vienne, Berlin, Londres et j’en passe. J’ai aussi tape dans du system Asiatique mais c’est top secret pour le moment (rires).
Où es-tu parti et quelles sont tes places préférées?
J’ai fais plus ou moins le tour du monde; Amérique du Nord, Europe, Caucase, l’ex URSS, l’Asie et l’Océanie mais les pays post URSS sont les plus intéressants car dans ces pays le métro ce n’est pas seulement un moyen de transport mais quelque chose de très surveillé militairement et très aimés du peuple ce qui rend la tâche de s’y introduire très dur, des systèmes comme BAKU (Azerbaïdjan) ou MINSK (Biélorussie) sont presque impossibles à faire du fait que tu es considéré et incarcéré comme espion ou terroriste si tu te fais serré dedans. L’Asie est intéressant car pas grand monde s’aventure à aller peindre leurs métros mais tout est trop neuf, trop propre et trop aseptisé là bas du coup j’y suis juste allé par challenge et j’y ai eu du bon comme du mauvais au final. Je pourrais pas citer ou précisément pour le moment mais autant Asie de l’est que l’Asie musulmane.
Pourquoi faire du writing-tourisme ?
Chaque système de métro à son charme, ses caractéristiques et son système de sécurité, Paris à un des plus beaux système du monde du fait de son âge et qu’on puisse y trouver tous les niveaux de difficultés de facile comme la 3 à très dur comme la 1, il y en a pour tout le monde et sauf pour la 14, les tunnels, accès et dépôts sont tous magnifique. En allant à l’étranger on y découvre des nouveaux tunnels mais surtout une politique de répression différente à chaque ville, j’ai par exemple déjà fait 2 semaines de détention pour 2 tags dans la rue en Asie; du coup pour certain modèles de métro comme le métro de Riyad (Arabie Saoudite) je l’ai fait quand il était en construction dans une usine de production dans un autre pays.
Tu visité beaucoup de places, penses-tu qu’il y a un style particulier à Paris, qu’on ne trouverait nul part ailleurs?
Nos handstyles et nos chromes sans hésitation, après il y a beaucoup de plagiat sur Paris, un peu comme dans le rap. Nos chromes on va pas chercher midi à quatorze heures on à l’école UV TPK et ça a beaucoup influencé notre scène Parisienne je pense. Niveau handstyle on a nos différentes écoles comme PAL avec l’abstrait, TPK ou ça sonne plus agressif mais ma préféré c’est les Meyso, Élite, Kway, Moket et compagnie. Paris a les meilleurs tagueurs du monde du fait que même si il y a du bon à l’étranger c’est je trouve trop travaillé pendant qu’à Paris on a un super flow sans pousser le truc trop loin artistiquement; je suis juste très fier de notre pays et de la manière dont on fait les choses et ce dans beaucoup de domaines différents.
Je ne nie pas que nous avons de très bon handstylers à Paris, mais que fais tu de Buster et Keaps au Mexique, Some, Opak, Heavymedicated au Royaume-Uni, Amper en Russie, pour ne citer qu’eux ?
Bon la on va me jeté des pierres mais uniquement de mon point de vue à moi et sans aucun mal ça ne m’intéresse pas. J’aime pas le graffiti travaillé je veux qu’il soit brut et spontané à la KEAG et SORE, j’adore aussi voir des tags ratés et imaginer dans quel état le gars devait être le soir ou il a posé. C’est pareil pour les trains et métros, mon plus gros kiff c’est les panels pas finis ou alors quand tu vois que le gar a merde sur 2 ou 3 trucs et que tu ressens que c’était chaud ou des trucs comme ça.
As-tu trouvé des styles particuliers ailleurs?
Les styles particuliers à l’étranger sont la manière dont ils peignent, très vite, en backjump, et souvent à plusieurs sur une pièce. J’ai des amis à Athènes par exemple qui séquestrent souvent la sécurité le temps de faire un panel, chose qui se fait plutôt rarement ici. Ou même dans les pays de l’est ils font des plans en backjump pour des commuters, qui a déjà entendu des gens faire un TER en backjump à Gare du Nord par exemple ? Hahaha.
Quand tu peins dans l’espace urbain, tu opère une modification de celui-ci, pourquoi?
Murs blancs = peuple muet ?
Et pourquoi choisir de modifier l’image des trains, métros plus spécifiquement?
Je me concentre sur les métros car ça représente l’image de la ville, quand ton blaze est sur le métro de Moscou c’est comme avoir une photo de toi sur la place rouge, c’est l’emblème de la ville. Après les trains c’est bien aussi mais en général j’ai pas le temps et le courage de faire les deux.
Quels sont les rapports que tu entretiens avec l’espace urbain?
L’espace urbain est un terrain de jeux, c’est pour cela que l’Europe est le meilleur endroit au monde pour le graffiti car on y fait tout ce que l’on veut, du tags dans la rue, boire des verres de piquette sur les toits des ami(e) s, des descentes en tunnels en after party, des soirées catacombes et j’en passe, on a une très grande chance d’avoir un espèce urbain très libre à notre disposition.
Penses-tu que l’esthétique du writing peut-être définie comme celle d’une démocratie directe, voire d’être une esthétique plus libertaire?
Mon graffiti à aucune démarche philosophique, politique, et je n’ intellectualise pas trop mes panels, à la limite je prends juste du plaisir à mettre mon grain de sel, serais je du coup un anarchiste malgré moi ?
Tu transgresse la loi pour aller t’exprimer sur des endroits publics, parfois très difficile d’accès, quelque part est-ce que tu ne catalyse pas une envie du peuple de pouvoir sortir d’un système de démocratie représentative ou bien qu’elle soit plus à l’écoute de la nation?
C’est un peu dur de répondre car dans le fond si tout le monde se mettaient à faire du graffiti ou si peindre sur les métros était légal ça me ferait chier, je pense qu’une grande majorité de tagueurs pensent pareil on est quand même bien content que notre game soit underground et pas très accessible.
Comment tu expliques ce goût pour le challenge, sachant que des études montrent que les personnes créatives ont tendance à prendre des risques (parmi d’autres critères). Est-ce une facette de ta personnalité qui s’exprime, est-ce qu’il y a autre chose ?
Je veux pousse le truc le plus loin possible et -sans aucune prétention- ne pas faire ce que tout le monde a déjà fait donc je tiens pas à m’éternise sur des systèmes de métro vu et revu. Le pire des cas pour des systèmes très exotiques c’est 6 mois de prison ferme donc c’est pas très cher payé pour rentré des métros très peu fait quand tu comparés à des vrais criminels qui font des années derrière les barreaux.
Penses-tu que le writing peut être une chromothérapie dans un monde gris, souffrant des décisions gouvernementales qui n’organisent pas une politique adapté au vivant?
Je mets encore une fois l’Europe sur un piédestal mais je pense que contrairement à certaines villes de certains pays Asiatique ou Arabes on est très bien logés du fait qu’on vit pas dans un endroit aseptisé et où on punit pas le graffiti juste pour punir sans trop savoir pourquoi, on a un très bon juste milieu et je voudrais pas non plus d’une ville comme Athènes ou tu peux même plus peindre sans repasse quelqu’un.
Effectivement, ici on est mieux lotis ici. Mais en regardant le pire plutôt que le meilleur, est-ce qu’on ne s’empêche pas de pouvoir s’améliorer en se contentant de ce qu’on as?
C’est vrai après je trouve que sur les autres continents c’est beaucoup trop de répression et je ne voudrais pas non plus pouvoir peindre sans ne rien mettre en jeu derrière, il faut du risque et faire des sacrifices sinon ça me fait chié du coup je vois pas trop ce qu’on pourrait améliorer en Europe Occidentale, si on parle du reste du monde des choses à améliorer dans le graffiti il y en a beaucoup mais ça se fera avec le temps à coup de gros whole cars sur leurs métros tout aseptisé.
Penses-tu que le writing soit plutôt un acte identitaire ou contestataire ou les deux?
Ça dépend vraiment du writer en question et ce qu’il fait de son graffiti. C’est comme le gar qui va bicrave dans son four à faire de l’argent sale et donc libre et contestataire mais qui au final va le dépense au Nike des champs Élysées et le redistribue dans le système. Dans le graffiti il y a de tout; tout le monde en fait un peu tout et n’importe quoi.
As-tu un mot pour la fin?
Je taf sur une nouvelle vidéo avec exclusivement des très grosses actions sur les métros post soviétiques (Prague, Budapest, Kiev, Kharkov, Warsaw, Sofia, Moscow et Tbilisi) et il y aura beaucoup de jamais vu dans du graffiti donc stay tuned.
Merci à Lady K pour l’interview, les traducteurs et avocats commis d’office sans frais et mes potos sûrs NOYE, NERO (TSR CI2) et ALOKE (BLACK CATS CI2).
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